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au large de l’écueil

Jeanne et son père entrent. Il semble qu’ils sont étrangers l’un à l’autre. Jules et sa mère n’ont pas eu le temps de mater leur angoisse. Augustin Hébert est sombre comme un nuage de tempête, le pli des mauvais jours menace entre les sourcils froncés, les yeux repliés sur eux-mêmes se détournent, les lèvres s’écrasent l’une sur l’autre. Jeanne, à qui son père n’a pas répondu, quand elle a essayé de lui parler tout le long du chemin, depuis l’église à la maison ancienne, est frémissante de peur. Soudain, le regard d’Augustin foudroie Jules tremblant qui devine.

— Je te défends de revoir cette Française, dit-il, avec une colère comprimée jusqu’à l’extrême.

Les deux femmes, pétrifiées, glacées d’effroi, s’enlacent pour avoir le courage d’entendre. Jules va combattre.

— Mais pourquoi, balbutie le jeune homme, un peu machinalement, qui se prépare à la lutte.

— Tu oses me demander pourquoi, s’écrie Augustin, presque violent.

— Mais, mon père…

— Hier encore, tu as passé toute la soirée avec la jeune fille, sur la Terrasse… Vous vous êtes