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au large de l’écueil

chagrin dans mon être à force d’enthousiasme et de vie intense !… L’abbé Lavoie me le disait : ta race et ta patrie ont besoin de ton courage… L’individu le plus infime, s’il donne le meilleur de son sang, accomplit parfois de belles choses !… Il ne faut pas que je sois un inutile, un mou, un dormeur, un assommé !… Je lutterai, je souffrirai, je tomberai, s’il le faut, pour l’âme canadienne !… Ainsi, je vivrai, je vaincrai cette femme, je me souviendrai toujours d’elle, mais debout, sans courber, sans crouler !… Ce n’est pas de l’orgueil, c’est le besoin de vivre !… Je dois racheter la faiblesse dont je me suis rendu coupable à l’égard de mon père… Vous m’entendez bien, mère, il ne faut pas qu’il sache, il me maudirait peut-être… Un père ne comprend pas toujours ce qu’une mère pardonne…

Des pas sourds gravissent l’escalier tournant. Ils font naître et grandir un silence épouvantable entre la mère et le fils, dont les poitrines halètent et les yeux sont effarés. Le pressentiment d’une chose effroyable les envahit, les maîtrise, les fait pâlir. Philo s’éloigne, vaguement inquiet. La vieille horloge martèle des secondes terribles.