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au large de l’écueil

venait au secours et qui t’aurait délivré peut-être…

— Je lui avais promis de la revoir… Il me l’aurait interdite, je le savais bien… Pauvre père, je l’ai trahi, et, quelques instants plus tard, il me cédait les honneurs qu’on venait de lui offrir… Alors, je sentis l’étreinte du remords, je faillis lui crier ma honte… Mais l’amour est une chose qui rend lâche…

— Non, mon fils, tu te frappes avec trop de rigueur… L’amour est venu sans t’avertir, comme un voleur… Il a trouvé ton cœur grand ouvert, il s’y est creusé un nid large et profond… Le jour où tu l’as senti à la besogne en toi-même, tu t’es battu contre lui, j’en suis certaine, tu l’as sommé de ne pas aller plus loin, et ce fut là ta noblesse… L’amour qui n’avance pas recule, tu le sais… Mais avant de céder la place, il se venge, il te mord, il te piétine, il te laboure… Ne l’oublie pas, tu es vainqueur, et c’est là ta beauté !… Ce fut une faiblesse d’écarter le soupçon de ton père, mais, sans elle, ce n’aurait pas été l’amour, et tu aurais vaincu sans gloire…

— L’indulgence des mères a toujours le mot qui sauve… Si j’ai trahi mon père, c’est qu’un sen-