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au large de l’écueil

ce pas ? lui répondit-elle, encore triste. Ou Monsieur, il y a en a une qui attend, qui est même un peu lasse d’attendre… L’Amour me semble un capricieux personnage, aussi avare de ses dons que prodigue de ses mensonges… Mon rêve de seize ans, fait de soleil et de printemps commence à languir. Il y a moins de sève dans les branches, quelques feuilles tombent. Hâtez-vous, Messire Amour, avant que l’arbre meure…

— Un jour, il vous rencontrera au bord d’une source, il se penchera sur elle, remplira le creux de sa main, et plus vous boirez, plus vous aurez soif… Mais est-il vrai que le papillon rose ne vous effleura jamais de son vol ?…

— J’ai cru parfois entendre ses ailes tout près de mon front… Je le lui offrais pour qu’il s’y pose, et je n’entendais déjà plus rien…

— Je n’ai pas même connu ce sentimentalisme vague dont vous parlez si bien…, reprit-il. Le papillon rose n’égara jamais ses ailes entre les quatre murs du vieux collège où je fus pensionnaire, et l’été, je courais les bois du Saguenay, les lacs des Laurentides, les champs de la ferme patriarcale, ou je louvoyais dans l’Anse de Kamouraska. La grande nature était mon amou-