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au large de l’écueil

sait le calme dans ton cerveau fatigué… Cette Française, en une minute, a emporté malgré vous deux tout ce que tu avais amassé de force d’amour… Est-elle criminelle d’être le fruit d’un amour sans Dieu ?… Nul, autour de son berceau, n’a fait couler peu à peu la prière dans la substance vive de son âme. Le génie des blasphémateurs a pétri le cerveau malléable… Elle est bonne, puisque tu l’aimes… J’ignore le dessein de la Providence qui l’a épargnée, qui lui a fait bouleverser ton être… Mais si tu l’as aimée, il fallait que vous vous aimiez, et tu ne fus pas lâche…

— Que vous me faites du bien, mon père ! Oh oui, vous êtes un guérisseur merveilleux, je respire, je vis !… J’avais beau me flétrir, quelque chose en moi ne voulait pas que je sois vil… Maintenant, je suis fier de l’aimer, je puis dire au ciel que je l’aime !…

— Prends garde, tu n’es pas lâche de l’aimer, tu le serais de ne pas immoler ton amour !… Tu vois l’écueil, navigue au large !… Il faut que tu sois un homme, un vaillant, un Canadien-Français, quoi !… Si tu te laisses mordre au sang par l’amour sans espoir, cela pourrait de-