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au large de l’écueil

vorais le pulpe gras de tes petites dents blanches, je t’enseignai qu’il ne faut pas voler le fruit défendu !… Quand nous allions par la campagne joyeuse et que les papillons de neige esquivaient ton désir, tu me promis d’être pur !… Quand le vent faisait danser tes mèches brunes et gonfler ta poitrine affamée d’air, je te disais que la force est une arme pour les triomphes de la bonté !… Tu n’as pas oublié cela, tu ne peux avoir commis une vilenie, donné ton âme à une créature indigne !…

— Oh ! que je vous remercie de croire en moi ! s’écrie Jules très-ému. Oui, mon amour est noble, il me grandit, me surhumanise, pour ainsi dire… Quand je me laisse attendrir par le visage béni, je me sens profondément bon, la paix la plus douce endort mon être, je voudrais faire pour cette femme quelque chose d’héroïque et de gigantesque… Elle est merveilleuse, mon père : si vous la voyiez, si vous l’entendiez, vous sauriez pourquoi je l’adore !… Vous souvenez-vous de l’image de Greuze au mur de ma chambre ? Elle lui ressemble ligne pour ligne, et c’est la même grâce enchanteresse… Elle a des yeux pleins d’extase, une imagination exquise,