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au large de l’écueil

tour. Aimer, c’est posséder, paraît-il : s’il contient tous les flots du Saint-Laurent, votre cœur est immense…

— On n’a jamais le cœur assez grand pour l’emplir de belles choses… Le mien est un écrin où déjà sont réunis les joyaux les plus précieux, et plus il en reçoit, plus il en veut avoir… Au gré de la rêverie qui me le fait ouvrir, j’y trouve les lacs de Côme et de Lugano, la Grotte d’Azur, l’Abbaye de Fiesole, la baie de Nice, la côte d’Émeraude, les étangs de Hampton Court, et tant d’autres… Je ne les échangerais pas pour toute la fortune du tyran de l’huile… Jusqu’ici, je les y avais placés de moi-même, sans le secours d’un artiste qui m’en expliquât la beauté… Je viens d’y joindre un diamant de la plus belle eau, le fleuve canadien. Vous m’en avez enseigné la grandeur : je remercie le hasard d’avoir mis sur ma route un tel professeur…

— Et moi, la Providence, une telle élève, murmura-t-il.

À ce mot de Providence dont s’était servi tout naturellement le jeune homme, une gêne glissa entre eux. Plusieurs fois, le cours de leurs cau-