Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
au large de l’écueil

France qui me revient toujours à la mémoire… Je vois Cartier remontant le fleuve, alors que la lune pareille inondait l’espace et la nature sauvage… Quelle impression divine a dû le ravir !…

— Je ne sais pas si Cartier eut l’aubaine d’un tel spectacle, dit le jeune homme. Je devine, du moins, que Champlain contempla souvent le fleuve qu’il aima jusqu’au dernier jour… Vous me pardonnerez une vision un peu fantaisiste… Il me semble que, si les eaux passent, l’âme du Saint-Laurent demeure… À de telles heures, il se peut qu’elle rêve et se souvienne… Elle se souvient des héros qui la connurent et voguèrent en prononçant son nom, des boulets qui la déchirèrent, du sang qui a rougi le flot d’alors… Ou bien, elle écoute la clameur des villes sœurs grandissant à travers les siècles… Il se peut qu’elle se rappelle Wolfe et la nuit fatale où ses vaisseaux se rendirent à l’appel de Vergor le traître… Ou bien, elle médite sur l’avenir de Québec et le voit se déployer en splendeur…

— Vous devenez matérialiste ! plaisante Marguerite.

— Dans la mesure où je prête à la matière la