Et l’onde muette, jusqu’à l’Île d’Orléans rêveuse, baigne dans les rayons que la lune épanche des hauteurs de l’azur. C’est comme si la trace lumineuse, allant d’une rive à l’autre, écoulait son fluide argenté sur la surface immobile. Il y a quelque chose d’un peu mystérieux dans les bateaux-passeurs dont la course à la dérive est silencieuse. La clarté du ciel envahit les faubourgs de Lévis : les clochers pensifs coupent l’horizon serti d’étoiles, les maisons se recueillent, le collège médite, l’Hospice de la Délivrance et le monastère du Précieux-Sang reposent. L’amoncellement des choses de l’Intercolonial est un peu morne sous la falaise un peu triste. Aux pieds du roc légendaire, la Basse-Ville est presque léthargique ; un galop de cheval résonne parfois dans la rue Champlain déserte et quelques ombres un instant glissent pour disparaître aux encoignures. Les deux jeunes amis causent de la nature assoupie : elle infiltre en leurs âmes ils ne savent quelle ivresse sentimentale.
— Ne croirait-on pas que les traversiers se joignent au repos du soir ? demande la Française.
— Ils ne font qu’effleurer l’onde, répond Jules.
— Le grand silence me parle de la Nouvelle-