Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
au large de l’écueil

frémit sous les pas qui se hâtent. Les cloches de la Basilique acclament avec frénésie les paysans dont le cœur se gonfle et le tympan bourdonne. Le cantique à Sainte-Anne rugit de mille poitrines. À travers la poussée des coudes et la houle des têtes, les trois amis aperçoivent, en un relief saisissant, le parapluie suranné d’un vieillard encore souple, les lunettes fumées d’une vieille qu’on bouscule, la grimace rose d’un bébé qui hurle sa frayeur dans les bras de sa mère, la voiture où tressaute le profil mélancolique d’une infirme enfant, la bannière où la Vierge d’or trône dans l’azur, le chapelet démesuré que laisse pendre à terre un mendiant vêtu de loques rapiécées, la haute silhouette du curé dont les cheveux blancs flottent comme un étendard à l’avant-garde.

Jules et Marguerite entendent vibrer, au fond d’eux-mêmes, la confidence que deux amoureux, leur marchant sur les talons, se murmurent au milieu du tumulte, et l’émotion qu’ils en éprouvent est violente, étrange et troublante.

— T’en souviens-tu, au pèlerinage de l’an dernier, ça commençait entre nous, disait l’inconnu.