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tent que vous les acceptiez avec faveur, car elles vous sont présentées par les plus braves et les plus loyaux de nos sauveteurs.

 
 

Ma réponse fut, dit-on, très éloquente, mais je ne puis affirmer que cette réponse fut réellement faite par moi.

Je vivais depuis quelques heures dans une surexcitation d’émotions successives. Je n’avais pris aucune nourriture, aucun sommeil. Mon cœur n’avait cessé de battre une charge émue et joyeuse. Mon cerveau s’était empli de mille faits entassés depuis sept mois et racontés en deux heures.

Et cette réception triomphale à laquelle j’étais loin de m’attendre, étant donné mon départ si malmené par la presse parisienne, et les incidents de mon voyage toujours mal interprétés, volontairement, par quelques journaux français !

Toutes ces coïncidences étaient de proportions si différentes qu’elles me semblaient invraisemblables.

La représentation donna fructueuse moisson aux sauveteurs. Quant à moi, je jouai La Dame aux Camélias, pour la première fois, en France. Le dieu était venu. Et j’affirme que ceux qui ont assisté à cette représentation ont eu la quintessence de ce que mon art personnel peut donner.

Je passai la nuit dans ma propriété de Sainte-Adresse. Et, le lendemain, je partais pour Paris. Une ovation des plus flatteuses m’attendait à l’arrivée.

Puis, trois jours après, installée dans mon hôtel de l’avenue de Villiers, je recevais Victorien Sardou pour entendre la lecture de sa magnifique pièce : Fedora.