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que le secrétaire portait sur lui : deux mille trois cents dollars.

Oh ! il savait tout ! Il connaissait les noms de tous, et il me baragouina en mauvais français : « Oh ! vous, Madame, on ne vous aurait fait aucun mal, malgré votre joli revolver ; on vous l’aurait même laissé. » Ainsi, cet homme et sa bande savaient que le secrétaire couchait dans ma voiture et qu’il n’était guère redoutable (pauvre Chatterton !), qu’il était porteur de deux mille trois cents dollars, et que j’avais un revolver ciselé très joli et orné d’œils-de-chat.

L’homme fut garrotté solidement et tenu en respect par les deux gardiens ; et nous fîmes machine en arrière jusqu’à Saint-Louis. Nous n’étions partis que depuis un quart d’heure. La police, avertie, nous envoya cinq détectives ; et on fit partir avant nous un train de marchandises, qui devait nous précéder d’une demi-heure. Sur le train de marchandises, on plaça huit détectives, qui avaient l’ordre de descendre à la Petite-Montée. Notre colosse fut remis aux mains de la justice, et on me promit de le traiter avec indulgence, vu les aveux qu’il avait faits. J’appris par la suite qu’on avait tenu parole et que l’homme fut renvoyé en Irlande, dans son pays.


A partir de ce moment, on attacha ma voiture entre deux autres voitures, chaque nuit ; et le jour, j’obtins d’avoir ma voiture en queue, à la condition que j’accepterais un détective armé sur ma passerelle, lequel, du reste, je devais payer.

Nous partîmes à peu près vingt-cinq minutes après le train de marchandises. Notre dîner fut très gai, car l’excitation avait gagné tout le monde. Quant au gar-