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anglais : « Madame, je vous en supplie, rentrez ! » Je compris qu’un danger réel me menaçait et je rentrai vivement. Il tira le cordon d’alarme et, avant même que le train ne fût tout à fait arrêté, il fit signe à un autre gardien et tous deux se précipitèrent en bas du train.

Il avait tiré un coup de feu pour éveiller l’attention de chacun. Jarrett, Abbey et les artistes se pressaient dans l’étroit couloir. Je me trouvais au milieu d’eux, et nous vîmes avec stupeur les deux gardiens arrachant de dessous ma voiture un homme armé jusqu’aux dents.

Il finit par avouer la vérité, ayant un revolver collé à chaque tempe : il était chargé par la bande organisée à Saint-Louis pour me voler mes bijoux — car la réclame du bijoutier avait excité toute la gent des forbans — de décrocher ma voiture du reste du train, entre Saint-Louis et Cincinnati, à un endroit qu’ils appelaient la Petite-Montée. Cela devait se faire dans la nuit ; ma voiture étant la dernière, la chose était très aisée, il fallait simplement soulever l’énorme crochet et le retirer de l’anneau.

Cet homme, qui était un véritable colosse, s’était accroché sous ma voiture. Nous visitâmes son appareil : de très grosses courroies larges de cinquante centimètres le tenaient cramponné aux parois du train, entre les roues, et il avait toute facilité pour agir avec ses mains. Mais, vraiment, le courage et le sang-froid de cet homme étaient admirables.

Il raconta que sept hommes armés nous attendaient à la Petite-Montée, et que certainement on ne nous aurait fait aucun mal si personne ne s’était défendu ; qu’on voulait seulement prendre mes bijoux et l’argent