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marchepied abaissé par le valet de pied. Mère Saint-Alexis s’approcha et, courbée, baisa l’anneau épiscopal. Mère Sainte-Sophie la Supérieure, plus jeune, s’était agenouillée pour baiser l’anneau.

On fit entendre la claquette d’avertissement, et nous fûmes toutes à genoux pour recevoir la bénédiction de Monseigneur.

Quand nous relevâmes la tête, la grande porte était refermée et Monseigneur avait disparu, emmené par mère Supérieure. Mère Saint-Alexis, fatiguée, avait été remontée dans sa cellule.

La claquette nous fit relever. Il fallait se rendre à la chapelle pour la messe, qui fut très courte ; et nous eûmes récréation pendant une heure.

Le concert devait commencer à une heure et demie. La récréation se passa à préparer la grande salle et à nous préparer à paraître devant Monseigneur.

Je m’étais vêtue de la longue robe de l’ange : une ceinture bleue cernait ma taille, et deux ailes en papier étaient retenues par des petites bretelles bleues qui se croisaient sur ma poitrine. Autour de la tête, un lacet d’or attaché derrière.

Je mâchonnais ma part, car nous ne connaissions pas alors le mot « rôle ».

Le théâtre est entré plus dans les mœurs maintenant. Mais on disait alors « part » au couvent. Et ce n’est pas sans étonnement que la première fois que je jouai en Angleterre, j’entendis une jeune Anglaise me dire : « Oh ! vous aviez un si beau part dans Hernani… »


La salle était jolie. Oh ! mais jolie. Partout des guirlandes de feuillages piqués de fleurs en papier. Et puis, des petits lustres suspendus à des fils d’or. Un grand