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____Ni redouté nos froids sévères,
Merci ! De l’âpre hiver pour longtemps prisonniers,
Nous rêvons à ta vue aux rayons printaniers
____Qui font fleurir les primevères !

Oui, c’est au doux printemps que tu nous fais rêver !
Oiseau des pays bleus, lorsque tu viens braver
____L’horreur de nos saisons perfides,
Aux clairs rayonnements d’un chaud soleil de mai.
Nous croyons voir, du fond d’un bosquet parfumé.
____Surgir la reine des sylphides !
 
Mais non : de floréal ni du blond messidor.
Tu n’es pas, ô Sarah, la fée aux ailes d’or
____Qui vient répandre l’ambroisie ;
Nous saluons en toi l’artiste radieux
Qui sut cueillir d’assaut dans le jardin des dieux
____Toutes les fleurs de poésie !

Que sous ta main la toile anime son réseau ;
Que le paros brillant vive sous ton ciseau.
____Ou l’argile sous ton doigt rose ;
Que sur la scène, au bruit délirant des bravos.
En types toujours vrais, quoique toujours nouveaux,
____Ton talent se métamorphose ;

Soit que, peintre admirable ou sculpteur souverain.
Toi-même oses ravir la muse au front serein,
____A te sourire toujours prête ;
Soit qu’aux mille vivats de la foule à genoux.
Des grands maîtres anciens ou modernes, pour nous
____Ta voix se fasse l’interprète ;

Des bords de la Tamise aux bords du Saint-Laurent,
Qu’il soit enfant du peuple ou brille au premier rang,
____Laissant glapir la calomnie,
Tour à tour par ton œuvre et ta grâce enchanté,
Chacun courbe le front devant la majesté
____De ton universel génie !