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Nous étions partis trois de la gare, nous arrivâmes cinq à l’hôtel Vendôme.

Il y avait beaucoup de monde qui attendait mon arrivée, et j’avais vraiment honte de mon nouveau compagnon. Il parlait fort, riait, toussait, crachait, s’adressait à tout le monde, faisait des invitations. Tout le monde paraissait ravi.

Une toute jeune fille sauta au cou de son père : « Oh ! oui, papa, je vous en prie, allons-y. — Mais, répondit-il, il faudrait demander à Madame. » Et il s’approcha de moi avec une courtoisie pleine d’élégance. « Vous plaît-il, Madame, que nous soyons des vôtres demain pour aller voir la baleine ? — Mais, Monsieur, lui répondis-je, heureuse de parler enfin avec un homme bien élevé, je ne sais pas de quoi il s’agit. Voilà un quart d’heure que ce reporter et ce bizarre homme parlent de baleine et déclarent avec autorité que je dois lui rendre visite, et je ne sais rien. Ces deux messieurs ont pris ma voiture d’assaut, s’y sont installés sans ma permission, et, vous le voyez, font en mon nom des invitations à des personnes que je ne connais pas, pour aller avec moi, dans un endroit que j’ignore, rendre visite à une baleine qu’on doit me présenter et qui m’attend avec impatience pour mourir en paix. »

L’aimable gentleman fit signe à sa fille de nous suivre et je montai avec eux, Jarrett et Mme Guérard, dans le lift qui nous arrêta devant mon appartement.

Il était orné de tableaux précieux, de bibelots magnifiques et de délicieuses statues. J’étais même assez inquiète, car il y avait dans les objets d’art deux ou trois bibelots très beaux, très rares, et d’un prix exorbitant. Je craignais que l’un d’eux ne fût volé et je fis part de ma crainte au propriétaire de l’hôtel, qui me répondit :