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que la mort ! Et que tout être qui veut se défendre de la calomnie le peut ! Pour cela, il faut vivre. Ce n’est pas à la portée de tout le monde, mais c’est à la volonté de Dieu qui voit et juge !


Je me reposai deux jours avant de me rendre au Théâtre. J’étais toujours sous l’impression du bateau. La tête me tournait un peu, et je voyais sans cesse monter et descendre le plafond. Ces douze jours de mer avaient troublé l’équilibre de ma santé.

J’envoyai un mot au régisseur, pour le prévenir qu’on répéterait le mercredi. Et aussitôt le déjeuner terminé, je me rendis au Booth Théâtre, dans lequel devaient avoir lieu nos représentations.

A la porte réservée aux artistes, je vis une foule compacte, grouillante, occupée, gesticulante.

Ce monde bizarre n’appartenait pas au monde artiste, ce n’étaient pas des reporters. Hélas ! je les connaissais trop pour m’y tromper.

Ils n’étaient pas là en curieux. Ils semblaient trop affairés. Et puis il n’y avait que des hommes. Cependant ma voiture s’arrêta. Un d’eux se précipita vers la portière et s’en fut retrouver le groupe grouillant. « La voici ! C’est elle ! »

Et tous ces hommes communs, à la cravate blanche et aux mains douteuses, à la jaquette ouverte, ayant les genoux du pantalon usés et sales, s’engouffraient derrière moi dans l’étroit couloir qui conduisait à l’escalier.

Je n’étais pas tranquille.

Je montai rapidement. Plusieurs personnes m’attendaient en haut de l’escalier : M. Abbey, Jarrett, des reporters, hélas ! deux gentlemen et une dame char-