l’impression de n’être pas en sûreté près de cette douce et étrange personne.
Mon regard inquiet tomba sur une dame âgée qui devisait gaiement dans un petit groupe. Elle vint à mon secours et me dit on très bon français : « Cette jeune fille vous demande, Madame, si vous êtes juive, catholique, protestante, mahométane, bouddhiste, athée, zoroaste, théiste ou déiste. » Je tombai sur le canapé.
« Ah ! mon Dieu ! Est-ce que ce sera comme ça dans toutes les villes où je vais aller ? — Oh ! non, dit le placide Jarrett, vos interviews vont être télégraphiées dans toute l’Amérique. »
Et les moules ?... pensai-je.
Et je répondis, l’esprit ailleurs : « Je suis catholique, Mademoiselle ! — Romaine... ou orthodoxe ? » Je me levai d’un bond, elle m’ennuyait vraiment trop !
Un tout jeune homme s’approcha timidement : « Voulez-vous me permettre de finir mon dessin. Madame ? » Je restai debout, le visage de profil, selon son désir. Quand il eut fini, je demandai à voir. Et il ne remit sans honte son horrible dessin : un squelette coiffé d’une perruque frisée. Je déchirai le dessin et le lui jetai au nez. Et, le lendemain, cette horreur paraissait dans les journaux, soulignée d’une rubrique désagréable.
Heureusement, je pus causer sérieusement de mon art avec quelques journalistes probes et intelligents.
Mais en Amérique, il y a vingt-sept ans, le reportage était plus goûté que les articles de fond, et le public, beaucoup moins lettré qu’aujourd’hui, se faisait facilement l’écho des turpitudes inventées par un reporter aux abois. Je ne crois pas qu’il y ait eu un être au monde,