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J’entendis encore dans le lointain des paroles confuses ; et je m’endormis d’un sommeil délicieux et un peu rieur, car ma gaieté reprenait le dessus en pensant aux figures rageuses et déconfites de mes tourmenteurs... pardon... de mes visiteurs.

Une heure après, je m’éveillai, car j’ai le don précieux de dormir dix minutes, un quart d’heure, une heure, selon ma volonté ; et je m’éveille doucement, sans secousse, à l’heure que j’ai fixée pour mon réveil. Et rien ne m’est plus favorable que ce repos volontaire et précisé de mon esprit et de mon corps.

Bien souvent, au milieu des intimes de ma maison, je me suis étendue devant la grande cheminée, sur les peaux d’ours, les priant de continuer la conversation sans s’occuper de moi ; et je m’endormais une heure.

Parfois, à mon réveil, je trouvais assis deux ou trois nouveaux venus qui, respectant mon sommeil, se mêlaient à la conversation générale, attendaient pour me présenter leurs hommages que je fusse éveillée.

Maintenant encore, dans le petit salon Empire qui précède ma loge, je m’étends sur le lourd et profond sofa, et je dors pendant qu’on introduit les amis et artistes auxquels j’ai donné rendez-vous. Et quand j’ouvre les yeux, je suis entourée de visages amis, bienveillants, et ravis du repos que j’ai pris, me tendant des mains affectueuses. Alors, mon esprit quiet et reposé s’ouvre à toutes les belles conceptions qui me sont proposées, et se refuse sans mauvaise grâce à toutes les absurdités qui me sont soumises.


Je m’éveillai donc une heure après sur les tapis d’Albemarle Hôtel.

J’ouvris ma porte et trouvai, assises sur une malle,