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IV


Un événement très simple en soi, mais qui pourtant devait troubler le silence de notre vie claustrale, acheva de m’attacher à mon couvent dans lequel je voulais rester à tout jamais.

L’archevêque de Paris, monseigneur Sibour, rendait visite à quelques communautés. Et la nôtre était parmi les élues.

La nouvelle nous en fut donnée par mère Saint-Alexis, la mère doyenne, qui était si grande, si maigre et si vieille, qu’il m’était impossible de l’accepter pour un être humain, ni pour un être vivant. Elle me semblait empaillée, articulée ; elle me faisait peur. Et je ne voulus bien m’approcher d’elle que quand elle fut morte.

On nous avait réunies dans la grande salle du jeudi. Et, debout sur la petite estrade, soutenue par deux sœurs converses, elle nous annonça d’une voix lointaine, lointaine… la venue de Monseigneur.

Il devait venir le jour de la Sainte-Catherine, c’est-à-dire quinze jours après la péroraison de la doyenne.

Une ruche dans laquelle serait entré un frelon… tel fut notre paisible couvent.