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Sarcey, dans un article tonitruant à propos de ma démission à ïa Comédie, terminait son feuilleton par ces mots :

Il est une heure où il faut coucher les enfants terribles.

Quant au doux Lapommeraye, il m’avait accablé de toutes les fureurs empruntées à chacun. Mais, comme on lui reprochait toujours sa mollesse, il avait voulu prouver que lui aussi savait brandir la plume venimeuse, et il m’avait crié : « Bon voyage ! »

Et voilà qu’ils venaient, ces trois-là ; et tant d’autres...

Et le lendemain de ma première représentation d’Adrienne Lecouvreur, Auguste Vitu télégraphiait au Figaro un long article, dans lequel il me critiquait dans certaines scènes, regrettant que je n’eusse pas suivi les traditions de Rachel (que je n’ai jamais vue). Et il terminait cependant son article par ces lignes :

On ne pourra douter de la sincérité de mon admiration lorsque je déclarerai que Sarah Bernhardt s’est élevée dans le cinquième acte à une puissance dramatique, à une vérité d’accents qui ne sauraient être surpassées. Elle a joué la longue et cruelle scène où Adrienne empoisonnée par la duchesse de Bouillon se débat contre les angoisses d’une épouvantable agonie, non seulement avec un immense talent, mais encore avec une science de composition qu’elle n’avait jamais révélée jusque-là. Si le public parisien entendait, s’il entend jamais Mlle Sarah Bernhardt s’écrier avec l’accent déchirant qu’elle y a mis hier au soir : « Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir ! » il éclaterait en sanglots et en acclamations...

Sarcey finissait une admirable critique par ces mots : « Elle est prodigieuse !... » Et Lapommeraye