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il y avait des arbres, et des arbres où il y avait des fleurs ; mais elle n’a pas fait sortir de son art un personnage qui s’identifie à son nom ; elle n’a pas créé un être, une vision qui évoque son souvenir. Elle met les gants des autres, mais elle les met à l’envers, et tout cela avec une grâce infinie, un sans vouloir plein d’abandon. C’est une grande, très grande comédienne, mais ce n’est pas une grande artiste.

Novelli est un comédien de l’ancienne école, où on se préoccupait très peu du côté artistique. Il est parfait dans le rire et les larmes. Béatrice Patrick-Campbell est surtout une artiste, et son talent est fait de charme et de pensée ; elle exècre les routes battues ; elle veut créer, et elle crée.

Antoine est souvent trahi par ses moyens, car sa voix est sombre et son allure un peu ordinaire, aussi laisse-t-il souvent à désirer comme comédien ; mais il est toujours un artiste hors de pair, et notre Art lui doit beaucoup dans son évolution vers la vérité ; et celui-là non plus n’est pas jaloux de la comédienne.