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j’avais cassé deux dents à mon malheureux professeur !

Quelques amis me conseillèrent de ne pas faire attention à toutes ces turpitudes, me disant que le public ne pouvait les croire, mais ils se trompaient : le public adore croire le mal. Cela l’amuse plus que le bien, et j’eus la preuve que le public anglais commençait à croire ce que disaient les journaux français.

Je reçus une lettre d’un tailleur, me demandant de porter, quand je me montrerai en homme, un habit fait par lui, et que non seulement il ne me le ferait pas payer, mais encore qu’il me donnerait cent livres si je voulais le porter. Cet homme était un grossier personnage, mais il était sincère.

Je reçus plusieurs boites de cigares, et les professeurs de boxe et d’escrime m’offrirent leurs services pour rien.

Tout cela m’irrita à tel point que je résolus d’en finir. Ce fut un article d’Albert Wolff dans Le Figaro qui me décida à rompre les chiens. Voici la réponse que j’envoyai à la suite de l’article du Fiiaro paru le 27 juin 1879 :


Albert Wolff, Figaro, Paris.

Et vous aussi, mon cher Monsieur Wolff, vous croyez de semblables insanités ? Qui donc a pu vous renseigner si mal ? Oui, vous êtes mon ami, car, malgré toutes les infamies qu’on a pu vous dire, il vous reste encore un peu de bienveillance. Eh bien, je vous donne ma parole d’honneur que je ne me suis jamais vêtue en homme, ici, à Londres ! Je n’ai même pas emporté mon costume de sculpteur. Je donne le démenti le plus formel à cette imposture. Je n’ai été qu’une seule fois à la petite Exposition que j’ai faite, une seule fois, et c’était le jour où je n’avais fait que quelques invitations privées, pour l’ouverture. Personne n’a donc payé