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gravement le grand homme, vous êtes contre la peine de mort ? — Oui, Monsieur Gladstone. — Vous avez raison. Mademoiselle. »

Frédéric Leigton vint nous rejoindre, et il me fit, avec une grande bienveillance, des compliments pour mon tableau représentant une jeune fille portant des palmes. Ce tableau fut acheté par le prince Léopold.


Ma petite exposition eut un grand succès, et je ne me doutais guère alors qu’elle serait la cause de tant de potins, de tant de lâches attaques, et qu’elle causerait définitivement ma rupture avec la Comédie-Française. Je n’avais aucune prétention comme peintre et comme sculpteur. J’exposais mes œuvres pour les vendre, car j’avais envie de deux petits lions. Je n’avais pas assez d’argent pour les acheter. Je vendais mes tableaux ce qu’ils valaient, c’est-à-dire à des prix très modestes.

Une dame anglaise, Lady H..., m’acheta mon groupe Après la tempête. Ce groupe est la réduction du grand groupe que j’avais exposé deux ans avant, au Salon de Paris, et pour lequel j’avais eu une récompense. Je voulais le vendre quatre mille francs, mais Lady H... m’en envoya dix mille, avec un mot si délicieux que je me permets de le reproduire.

... Faites-moi la grâce, Madame, d’accepter ces quatre cents livres pour votre admirable groupe Après la tempête, et faites-moi l’honneur de venir déjeuner avec moi. Après le déjeuner, vous choisirez vous-même la place où il se trouvera être le mieux éclairé...

Ethel H...

C’était un mardi. Je jouais Zaïre le soir ; mais le mer-