Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXVIII


Mon violent désir de conquérir le public anglais avait surmené mes forces. J’avais tout donné la première soirée. Je ne m’étais pas assez ménagée et, la nuit, je fus prise de tels vomissements de sang qu’on courut à l’ambassade chercher un médecin.

Le docteur Vintras, médecin en chef de l’hôpital français à Londres, me trouva étendue dans mon lit, exsangue et semblant morte. Il fut effrayé et demanda qu’on fît venir ma famille. Je fis signe de la main que c’était inutile. On m’apporta un crayon et j’écrivis, ne pouvant parler : « Télégraphiez docteur Parrot »... Vintras resta près de moi une partie de la nuit, glissant toutes les cinq minutes de la glace pilée entre mes lèvres. Enfin, vers cinq heures du matin, les vomissements de sang s’arrêtèrent et je m’endormis, grâce à la potion du docteur Vintras.

On devait jouer le soir L’Étrangère au Gaiety Théâtre. Le rôle n’étant pas très fatigant, je voulus jouer quand même, mais le docteur Parrot s’y opposa