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des êtres charmants, pleins d’humour. Tout le monde parlait très bien le français. J’étais honteuse de mon ignorance de la langue anglaise.

Après le dîner, il y avait musique et récitation. Je fus très touchée de la bonne grâce et du tact de mes hôtes, qui ne me demandaient pas de dire des vers.

Je pris grand intérêt à examiner la société que j’avais sous les yeux. Elle ne ressemblait en rien à une réunion française. Les jeunes filles s’amusent pour leur propre compte et s’amusent très sincèrement. Elles ne sont pas là pour trouver un mari.

Ce qui me surprit un peu, c’est le décolleté de dames très ravagées par le temps. Je m’en expliquai avec Hortense Damain : « C’est affreux ! lui dis-je. — Oui, mais c’est chic ! » Elle était charmante, mon amie Damain, mais elle ne connaissait que le « Chic ». Elle m’avait envoyé les Commandements du « Chic », quelques jours avant mon départ de Paris :

Chester square, habiteras.
A Rotten row, tu monteras.
Le Parlement, visiteras.
Garden-parties, fréquenteras.
Chaque visite, tu rendras.
A chaque lettre, répondras.
Photographies, tu signeras.
Damain Hortense, écouteras.
Et tous ses conseils, tu suivras.

J’avais ri de ces commandements ; mais je me rendis vite compte que, sous leur forme badine, elle les tenait pour sérieux. Hélas ! la pauvre amie tombait mal : je détestais rendre des visites, écrire, signer des photographies et suivre les conseils qu’on me donne.

J’adore qu’on vienne chez moi, je déteste aller chez