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ne veux pas aller à Londres dans une situation inférieure à qui que ce soit. Je veux, pour tout le temps de notre contrat, être Sociétaire à part entière. » Cette prétention excita très fortement le comité. Et Perrin me dit, le lendemain, que ma proposition était rejetée. « Eh bien, je n’irai pas à Londres, voilà tout ! Rien dans mon engagement ne me force à ce déplacement. »

Le comité s’assembla de nouveau, et Got s’écria : « Eh bien, qu’elle ne vienne pas ! Elle nous embête ! »

Il fut donc décidé que je n’irai pas à Londres. Mais Hollingshead et Mayer, son associé, ne le comprenaient pas ainsi ; et ils déclarèrent que le contrat serait annulé si Croizette, Coquelin, Mounet-Sully ou moi ne venions pas.

Les éditeurs, qui avaient acheté pour deux cent mille francs de places à l’avance, se refusaient à regarder l’affaire bonne sans nos noms.

C’est Mayer qui vint me trouver dans un profond désespoir et qui me mit au courant. « Nous allons, dit-il, rompre notre contrat avec la Comédie si vous ne venez pas, car l’affaire ne semble plus possible. »

Effrayée des conséquences de ma méchante humeur, je courus chez Perrin, et je lui dis qu’après la consultation que je venais d’avoir avec Mayer, je comprenais le tort et l’injure involontaires que j’avais faits à la Comédie et à mes camarades, et je lui déclarai que j’étais prête à partir dans n’importe quelles conditions.

Le comité était en séance. Perrin me pria d’attendre et il revint peu de temps après. Croizette et moi étions nommées Sociétaires à part entière, non seulement pour Londres, mais pour toujours. Chacun avait fait son devoir.