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XXVI


Je rentrai peu de temps après à Paris. On préparait le « bénéfice » de Bressant qui prenait sa retraite. Il fut convenu que Mounet-Sully et moi devions jouer un acte d’Othello, de Jean Aicard.

La salle était admirable, et le public bien disposé, comme il l’est toujours en ces occasions. Après la chanson du Saule, je m’étais étendue dans le lit de Desdémone, quand tout à coup j’entendis le public rire doucement d’abord, puis inextinguiblement : Othello venait d’entrer, dans la nuit, en chemise ou peu s’en faut, une lanterne à la main, et se dirigeait vers une porte perdue sous une draperie.

Le public, masse impersonnelle, se livre sans réserve à ces manifestations un peu grossières, alors que chaque membre de cette masse, pris à part, aurait honte de sa pensée mise en lumière.

Le ridicule jeté sur cet acte par la pantomime exagérée de l’acteur empêcha la pièce d’entrer en répétitions, et ce ne fut que vingt longues années après que