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amende. Je fais ce qu’il me plaît en dehors du Théâtre, et cela ne vous regarde pas, mon cher Monsieur Perrin, tant que je ne porte pas atteinte au service ! Et puis... vous m’assommez !... Je vous donne ma démission. Soyez heureux ! »

Je le laissai penaud et inquiet.

Le lendemain, j’envoyai ma démission par écrit à M. Perrin ; et, quelques heures après, je fus mandée par M. Turquet, ministre des Beaux-Arts. Je refusai de m’y rendre ; on m’expédia un ami commun, qui me déclara que M. Perrin avait dépassé ses droits, que l’amende était levée, et que je devais reprendre ma démission. Ainsi fut fait.

Mais la situation était tendue. Ma célébrité était devenue énervante pour mes ennemis, un peu bruyante, je l’avoue, pour mes amis. Mais moi, à cette époque, tout ce tapage m’amusait follement. Je ne faisais rien pour attirer l’attention. Mes goûts un peu fantastiques, ma maigreur, ma pâleur, ma façon toute personnelle de m’habiller, mon mépris de la Mode, mon j’m'enfichisme de toutes choses, faisaient de moi un être à part.

Je ne m’en rendais pas compte. Je ne lisais et ne lis jamais les journaux. J’ignorais donc tout ce qui se disait de méchant et de bienveillant sur moi. Entourée d’une cour d’adorateurs et d’adoratrices, je vivais dans mon rêve ensoleillé.

Toutes les royautés, les célébrités qui furent les hôtes de la France en 1878 pendant l’Exposition, me rendirent visite. Ce défilé m’amusait beaucoup. La Comédie était la première étape théâtrale de tous ces illustres visiteurs. Et Croizette et moi jouions presque chaque soir.

Je tombai assez gravement malade en jouant Amphy-