Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Septmonts, dans lequel il fut merveilleux. Je lui montrai la lettre. Il haussa les épaules : « C’est une infamie ! Comment peux-tu croire une lettre anonyme ? C’est indigne de toi ! »

Nous causions en bas de l’escalier, quand l’administrateur arriva. « Tiens, montre-lui ta lettre, à Perrin. » Et il me la prit des mains pour la lui montrer. Ce dernier rougit légèrement : « Je connais cette écriture, dit-il, c’est quelqu’un de la Maison qui a écrit cette lettre… » Je la lui repris vivement, lui disant : « Alors, c’est quelqu’un de renseigné, et ce qu’il écrit est peut-être vrai, dites-le moi ? Je suis en droit de le savoir. — J’ai le mépris des lettres anonymes ! » Et il monta sans plus répondre, après avoir légèrement salué.

« Ah ! si c’est vrai… s’écria Coquelin, elle est raide ! Veux-tu que j’aille chez Dumas, je le saurai tout de suite ? — Non, merci ! Mais tu me donnes une idée… J’y vais. » Et, après lui avoir serré la main, je me fis conduire chez Dumas fils.

Il allait sortir. « Eh bien ?… Eh bien, qu’est-ce qu’il y a ? Vous avez des yeux de flammes ! » Je rentrai avec lui dans le salon et lui posai nettement ma question. Il avait gardé son chapeau ; il le retira pour se donner une contenance, mais, avant qu’il ait pu dire un mot, j’entrai dans une colère folle. De ces colères qui ne me prenaient plus que rarement, mais qui ressemblaient à des accès de folie.

Et, en effet, tout ce que j’avais de rancœur contre cet homme, contre Perrin, contre tout le monde du Théâtre qui aurait dû m’aimer, me soutenir, et qui me trahissait à tout propos ; tout ce que j’avais amoncelé de colères sourdes pendant les répétitions, de cris de révolte contre l’injustice perpétuelle de ces deux