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XXIII


Je tombai assez gravement malade après la mort de ma sœur. Je l’avais soignée des jours et des nuits ; et, le chagrin aidant, je devins très anémique. Je fus envoyée pour deux mois dans le Midi. Je promis d’aller à Menton, et je me dirigeai de suite vers la Bretagne, le pays de mes rêves.

J’avais avec moi mon petit garçon, mon maître d’hôtel et sa femme. Ma pauvre Guérard, qui m’avait aidée dans les soins donnés à ma sœur, était au lit, malade d’une phlébite ; j’aurai tant voulu l’avoir avec moi.

Ah ! le beau voyage que nous fîmes alors ! La Bretagne, il y a trente-cinq ans, était sauvage, inhospitalière, mais aussi belle, peut-être plus belle que maintenant, car elle n’était pas sillonnée de routes carrossables ; ses flancs verts n’étaient pas tachés de petites villas blanches ; ses habitants, les hommes, n’étaient pas affublés de l’abominable pantalon moderne, les femmes, du miséreux petit chapeau à plumes. Non, les Bretons promenaient fièrement leurs jambes