du mérite personnel de Mlle Sarah Bernhardt, il s’est
formé autour de sa personne une foule de légendes
fausses ou vraies, qui voltigent sur son nom et piquent
la curiosité du public parisien. Ce fut une déception
quand elle parut. Elle avait, par son costume, exagéré
avec ostentation une sveltesse qui est élégante sous les
voiles aux larges plis des héroïnes grecques et romaines,
mais déplaisante sous le costume moderne. Soit que
la poudre n’aille pas à l’air de son visage, soit que le
« trac » l’eût terriblement pâlie, l’impression fut peu
agréable de voir jaillir de ce long fourreau noir — j’avais
l’air d’une fourmi — cette longue figure blanche
d’où l’éclat des yeux avait disparu et sur laquelle
tranchaient seules des dents étincelantes. Elle dit ses
trois premiers actes avec un tremblement convulsif, et
nous ne retrouvâmes la Sarah de Ruy Blas que dans
deux couplets qu’elle fila de sa voix enchanteresse avec
une grâce merveilleuse ; mais elle manqua tous les passages
de force. Je doute que Mlle Sarah Bernhardt
trouve jamais dans son délicieux organe ces notes
éclatantes et profondes, pour exprimer le paroxysme
des passions violentes, qui transportent une salle. Si la
nature lui avait donné ce don, elle serait une artiste complète,
et il n’y en a pas de telles au théâtre. Agacée par
la froideur du public, Mlle Sarah Bernhardt s’est
retrouvée tout entière au cinquième acte. C’était bien
notre Sarah, la Sarah de Ruy Blas que nous avions
tant admirée à l’Odéon, etc., etc.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ainsi que le dit Sarcey, j’avais tout à fait raté mon début. Mon excuse n’était pas dans le « trac », mais dans l’inquiétude où m’avait plongée la sortie précipitée de maman, qui quitta sa place de balcon cinq minutes après que j’étais entrée en scène.
Dans le furtif regard que je lui avais jeté dès mon entrée, je l’avais entrevue d’une pâleur mortelle. J’eus la sensation, en la voyant sortir, qu’elle allait avoir une