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Il était donc impossible au duc de Richelieu de prendre la marquise de Prie (Madeleine Brohan) pour Mlle de Belle-Isle (Sarah Bernhardt), dans l’inconvenant et concluant rendez-vous nocturne donné par la marquise au duc, qui croyait alors étreindre dans ses bras la chaste Mlle de Belle-Isle.

A chaque répétition, Bressant, qui jouait le duc de Richelieu, s’arrêtait, disant : « Non, c’est trop bête ! Je jouerai le duc de Richelieu manchot des deux bras. » Et Madeleine quittait la répétition pour se rendre au cabinet directorial afin d’obtenir qu’on lui retirât le rôle.

Tel était bien le désir de Perrin qui avait dès la première minute pensé à Croizette, mais qui voulait avoir la main forcée pour de petites raisons sournoises connues de lui seul et devinées par d’autres.

Enfin le changement eut lieu ; et les répétitions sérieuses commencèrent. Puis on annonça la première représentation pour le 6 novembre (1872).

J’ai toujours eu de tout temps, et maintenant encore, un trac fou, surtout quand je sais qu’on attend beaucoup de moi. Et je savais que, longtemps d’avance, la salle avait été louée. Je savais que la presse comptait sur un gros succès, et que Perrin lui-même entrevoyait une succession de belles recettes.

Hélas ! toutes les espérances et prédictions s’en furent à vau-l’eau ; et mes redébuts à la Comédie furent médiocres.

Voici ce qu’en dit, dans Le Temps du 11 novembre 1872, Francisque Sarcey, que je ne connaissais pas alors, mais qui suivait ma carrière avec un très grand intérêt :

La salle était fort brillante, et ce début avait attiré tous les amateurs de théâtre. Il faut dire qu’en dehors