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III


Je dormis mal. Et le lendemain matin, à huit heures, nous partions en chaise de poste pour Versailles.

Je vois encore la grosse Marie, la fille du jardinier, tout en larmes ; la famille réunie en haut du perron ; ma petite malle ; la caisse à joujoux apportée par maman ; un cerf-volant, fait par mon cousin, qu’il me donna au moment où la voiture s’ébranlait. Je vois toute la grande maison carrée qui devenait petite, toute petite… à mesure que nous nous éloignions.

Et debout, tenue par mon père, j’agitais son foulard bleu que je lui avais retiré du cou ; puis je m’endormis, et ne m’éveillai que devant la lourde porte du couvent de Grand-Champs.

Je frottai mes yeux, cherchant à orienter mon esprit. Je sautai de voiture et regardai curieusement.

Le pavé était petit, rond, et l’herbe poussait partout. Un mur, une grande porte surmontée d’une croix, et puis, rien derrière… on ne voyait rien.

À gauche, une maison. À droite, la caserne Satory.

Pas un bruit ; pas la résonance d’un pas ; pas un écho.