Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXI


Le 26 janvier 1872 fut pour l’Odéon une fête artistique. Le Tout-Paris des premières, le tout-vibrant de la jeunesse, s’étaient donné rendez-vous dans la large salle, solennelle et poussiéreuse.

Ah ! la splendide et émouvante représentation !

Quel triomphe pour Geffroy, pâle, sinistre et dur dans son costume noir de don Salluste ! Mélingue, dans don César de Bazan, désillusionna un peu le public ; et c’est le public qui eut tort… Le rôle de don César de Bazan est un faux bon rôle, qui tente toujours les artistes par le brio du premier acte ; mais le quatrième acte, qui lui appartient tout entier, est navrant, lourd et inutile. On peut le retirer de la pièce, tel un bigorneau de son coquillage, et la pièce n’en sera pas moins droite et d’aplomb.

Mais ce 26 janvier déchira le voile léger qui embrumait encore mon avenir, et je sentis que j’étais destinée à la célébrité. J’étais restée, jusqu’à ce jour, la petite fée des étudiants : je devins l’Élue du Public.

Essoufflée, étourdie, ravie par mon succès, je ne