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bureaux. Cent fois on lui proposa le portefeuille des Beaux-Arts, cent fois il refusa.

Enfin, une fois, sur mes instances répétées, il faillit se laisser nommer Ministre des Beaux-Arts ; mais, au dernier moment, il refusa, et m’écrivit une lettre délicieuse dont voici quelques passages. La lettre n’ayant pas été écrite pour être publiée, je ne me reconnais pas le droit de le faire. Mais je puis, sans crainte, publier ces quelques lignes :

Permettez-moi, ma charmante amie, de rester dans mon ombre ; j’y vois plus clair que dans l’éclat aveuglant des honneurs. Vous me savez gré parfois d’être attentif aux misères que vous me signalez. Laissez-moi dans mon indépendance. Il m’est plus agréable d’avoir le droit de soulager tout le monde, que d’être forcé de soulager n’importe qui. . . . . . . . . .

... Je me suis fait, en fait d’art, un idéal de beauté qui semblerait à juste titre trop partial. . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . .

C’est bien dommage que la droiture de cet homme délicat ne lui ait pas permis d’accepter ce poste. Les réformes qu’il indiquait étaient bien nécessaires et le sont encore... Enfin...


Je connaissais aussi et voyais souvent un grand fou plein de rêves et de folles utopies : il se nommait Flourens. C’était un grand et beau garçon. Il voulait le bonheur pour tous, la fortune pour tous ; et il tirait sur les soldats sans réfléchir qu’il commençait par faire le malheur d’un ou de plusieurs. Le raisonnement avec lui était impossible. Mais il était charmant et brave. Je le vis deux jours avant sa mort : il vint avec une