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farine de maïs. Ce minotier était celui qui m’avait demandée en mariage quand j’étais au Conservatoire. Félix Potin, mon voisin de jadis quand j’habitais 11, boulevard Malesherbes, avait répondu à mon appel et m’avait envoyé deux tonneaux de raisin sec, cent boîtes de sardines, trois sacs de riz, deux sacs de lentilles et vingt pains de sucre. J’avais reçu de M. de Rothschild deux barriques d’eau-de-vie et cent bouteilles de son vin pour les convalescents.

Je reçus, en plus, un cadeau très inattendu. Léonie Dubourg, une camarade de Grand-Champs, m’envoyait cinquante boites de fer-blanc renfermant chacune quatre livres de beurre salé. Cette jeune fille avait épousé un riche gentilhomme campagnard qui s’occupait de ses fermes, très nombreuses, paraît-il. Je fus très touchée de son souvenir, car je ne l’avais pas revue depuis le couvent.

J’avais en plus réquisitionné tous les paletots, toutes les pantoufles de mes amis. J’avais acheté un solde de deux cents gilets de flanelle ; et ma tante Betzy, qui vivait et vit encore en Hollande — elle était la sœur de ma grand’mère aveugle et elle a aujourd’hui quatre-vingt-treize ans, — ma tante Betzy trouvait moyen de me faire parvenir, par le délicieux ambassadeur de Hollande, trois cents chemises de nuit en magnifique toile de son pays, et cent paires de draps.

Je recevais de la charpie et des bandes de tous les coins de Paris. Mais c’est surtout au Palais de l’Industrie que j’allais me ravitailler en charpie et en linge de pansement.

Il y avait là, comme « cheffesse » de toutes les ambulances, une adorable femme nommée Mlle Hocquigny. Tout ce qu’elle faisait, elle le faisait avec une grâce