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s’écria un des jeunes hommes. Voyez, il y a encore trois places vides, nous restons tous debout, envoyez-nous du monde ! »

L’employé s’en alla en riant et maugréant contre la plaignante, qui interpella violemment le jeune homme. Celui-ci s’inclina respectueusement devant elle : « Madame, lui dit-il, si vous voulez bien vous calmer, vous allez être très contente : nous allons nous mettre sept, en comptant l’enfant, de ce côté-ci, et vous resterez quatre de votre côté.» Le vieil homme laid, qui était mince et petit, roula un regard du côté de la grosse dame : « Quatre... murmura-t-il, quatre... ». Et son accent, son regard indiquaient que la grosso dame prenait plus d’une place.

Cet accent, ce regard ne furent pas perdus pour le jeune homme ; et avant que le vieil homme laid eût bien compris : « Tenez, monsieur, vous allez vous mettre de notre côté, dans ce bon petit coin, tous les minces seront ensemble. » Et il fit mettre à la place du vieux un placide et doux Anglais de dix-huit à vingt ans : un torse de lutteur surmonté d’une tête de baby blond. Une toute jeune femme placée en face de la grosse dame riait aux larmes. Nous trouvâmes place tous les six dans ce côté des minces, un peu serrés, mais vraiment égayés par ces petits mic-macs ; et on avait besoin de s’égayer.

Le jeune homme qui avait si spirituellement arrangé les choses était un grand beau garçon, à la figure blonde, aux yeux bleus, aux cheveux presque blancs, ce qui donnait à son visage une fraîcheur et une jeunesse attrayantes. Il prit, pendant la nuit, l’enfant sur ses genoux.

Du reste, en dehors de l’enfant, de la grosse dame