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Paris. La fièvre des autres me gagnait. Mais ma faiblesse augmentant chaque jour, le 27 juillet je fus transportée presque de force dans un wagon. Mme Guérard, mon intendant et ma femme de chambre m’accompagnaient. J’avais emmené mon enfant.

Dans les gares, partout, des affiches annonçaient que l’empereur Napoléon s’était rendu à Metz, pour prendre le commandement de l’armée.

Arrivée aux Eaux-Bonnes, je dus prendre le lit. Mon état semblait très grave au docteur Leudet, qui m’a avoué, depuis, qu’il avait bien cru que j’allais mourir. Je vomissais le sang et n’étais jamais une minute sans un morceau de glace entre les dents.

Cependant au bout de douze jours je commençai à me lever. Je repris vite mes forces et mon calme, faisant de longues promenades à cheval.

Et puis, les nouvelles de la guerre présageaient la victoire. Il y avait eu grande et douce émotion en apprenant que le jeune prince impérial avait reçu le baptême des balles à Saarbrück, dans l’engagement commandé par le général Frossard.

La vie me semblait belle à nouveau. J’avais confiance dans l’issue de la guerre. Je plaignais les Allemands de s’être engagés dans une semblable aventure.

Hélas ! les belles chevauchées de gloire qui galopaient dans mon cerveau furent bousculées par les atroces nouvelles de la bataille de Saint-Privat.

Chaque jour, dans le petit jardin du casino des Eaux-Bonnes, on affichait les nouvelles politiques. C’est là que le public se renseignait. Détestant la cohue, j’envoyais mon intendant copier les dépêches.

Ah ! combien fut douloureuse cette dépêche de Saint-Privat qui, dans son laconique style, nous ap-