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XV


La guerre était déclarée ! Et je hais la guerre ! Elle m’exaspère, me fait frissonner de la tête aux pieds. Et, par moments, je me redressais, effrayée, bouleversée par les appels lointains de cris humains.

Ah ! la guerre !… Infamie ! Honte et douleur ! Ah ! la guerre ! Vols et crimes appuyés ! pardonnes ! glorifiés ! Je visitais dernièrement une grande aciérie. — Je ne veux pas dire dans quel pays, car tous m’ont été hospitaliers. Je ne suis pas espionne, ni moucharde, je suis évocatrice ! — Donc, je visitais une de ces effroyables usines dans lesquelles se fabriquent les engins les plus mortels. Le propriétaire, milliardaire, qui me fut présenté, était un homme aimable, nul de conversation, l’air songeur et insatisfait. Et j’appris par mon cicérone que cet homme venait de perdre une très grosse somme : plus de soixante millions, me dit-il. « Ah ! mon Dieu ! Et comment a-t-il perdu cela ? — Oh ! se récria mon interlocuteur, il ne les a pas perdus, mais il a manqué de les gagner, ce qui revient au même. » Et comme je le