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lois de sa religion. Cette maison était très confortable. Elle garda près d’elle sa jeune servante bourguignonne et me déclara, quand j’allai la voir, qu’elle était beaucoup mieux dans cette maison que chez moi. « Chez vous, me dit-elle, votre fils est trop tapageur. » Je ne lui fis du reste que de rares visites, car je ne l’aimais plus du tout, depuis que j’avais vu ma mère pâlir de ses méchantes paroles. Elle était heureuse, c’était l’essentiel.


Je jouai successivement : Le Bâtard, où j’obtins un grand succès ; L’Affranchi ; L’Autre, de George Sand ; Jean-Marie, un petit chef-d’œuvre d’André Theuriet qui obtint un très éclatant succès. C’était Porel qui jouait Jean-Marie. Il était alors mince et plein d’espoir dans son avenir. Sa minceur s’est faite rondeur, et son espoir, certitude.


Et voilà les jours mauvais ! Paris s’enfièvre. Les rues sont noires de groupes discutant, gesticulant. Et tout ce bruit n’est que l’écho de groupes lointains formés dans les rues germaniques ; lesquels groupes hurlent, gesticulent, discutent et… savent ! Nous, nous ne savions pas.

Je ne pouvais rester en place. Je m’énervais outre mesure. Et finalement, je tombai malade.