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appointements. Et voilà que tout cela croulait par une inadvertance de femme de chambre.

J’avais des parents riches ; des amis très riches ; et personne ne me tendait la main pour m’aider à sortir de ce fossé. Mes parents riches ne me pardonnaient pas de m’être mise au théâtre... Et cependant, Dieu sait que j’avais bien pleuré pour choisir cette carrière imposée.

Mon oncle Faure, lui, venait me voir chez maman ; mais ma tante ne voulait plus même entendre parler de moi. Et c’est en cachette que je voyais mon cousin, et parfois ma jolie cousine.

Mes amis riches me trouvaient follement dépensière et n’avaient pu admettre que je ne place pas en bonnes et sûres rentes mes héritages.


Mon parti fut vite pris, non sans chagrin. J’allais partir en Russie. On m’offrait un magnifigue engagement. Je n’avais rien dit à personne de ce projet. Seule, Mme Guérard était ma confidente. Mais cette idée de Russie l’effrayait. J’étais alors très délicate de la poitrine, et le froid était mon plus cruel ennemi.

Enfin, mon parti était pris, quand arriva cet homme dont le cerveau avare et roublard avait imaginé cette adroite et fructueuse (pour lui) combinaison qui changeait à nouveau toute ma vie.


Je pris alors un appartement rue de Rome, à l’entresol. Il était ensoleillé, et cela surtout me ravissait. Il avait deux salons et une grande salle à manger.

Je casai ma grand’mère dans une maison de retraite tenue par des religieuses et des laïques. Ma grand’mère était israélite et exécutait strictement et fidèlement les