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Je reçus beaucoup de vers à propos de cet incendie. La plupart n’étaient pas signés. Je les ai cependant gardés. En voici que je trouve jolis :

Passant, te voilà sans abri :
La flamme a ravagé ton gîte.
Hier plus léger qu’un colibri ;
Ton esprit aujourd’hui s’agite,
S’exhalant en gémissements
Sur tout ce que le feu dévore.
Tu pleures tes beaux diamants ?...
Non, tes grands yeux les ont encore !

Ne regrette pas ces colliers
Qu’ont à leur cou les riches dames !
Tu trouveras dans les halliers
Des tissus verts, aux fines trames !
Ta perle ?... Mais c’est le jais noir ;
Qui sur l’envers du fossé pousse !
Et le cadre de ton miroir
Est une bordure de mousse !

Tes bracelets ?... Mais tes bras nus :
Tu paraîtras cent fois plus belle !
Sur les bras polis de Vénus
Aucun cercle d’or n’étincelle !
Garde ton charme si puissant !
Ton parfum de plante sauvage !
Laisse les bijoux, ô Passant,
A celles que le temps ravage !

Avec ta guitare à ton cou.
Va, par la France et par l’Espagne !
Suis ton chemin, je ne sais où...
Par la plaine et par la montagne !
Passe comme la plume au vent !
Comme le son de ta mandore !
Comme un flot qui baise en rêvant
Les flancs d’une barque sonore !
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