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Elle me remercia et fit ainsi que je le lui avais commandé.

Rentrée dans le salon, je me mis au piano et jouai : Il Bacio, Les Cloches de Mendelssohn, et La Dernière pensée de Weber. Je n’avais pas fini cette mélodie que je m’arrêtai surprise par les cris : « Au feu ! Au feu ! » dans la rue.

« On crie « Au feu ! » dit Arthur Meyer. — Ça m’est égal, dis-je en haussant les épaules, il n’est pas minuit, j’attends mon malheur à moi. »

Mon ami Charles Haas avait ouvert la fenêtre du salon pour voir d’où partaient les cris. Il s’avança sur le balcon et rentra vivement, s’écriant : « Mais c’est chez vous que ça brûle !... Regardez ! »

Je jetai un regard. Les flammes sortaient des deux fenêtres de ma chambre à coucher. Je me précipitai par le couloir pour gagner la chambre où couchaient mon enfant, sa gouvernante et sa bonne. Tout le monde dormait profondément. Arthur Meyer était allé ouvrir la porte de l’appartement à laquelle on sonnait violemment.

Je réveillai brusquement les deux femmes, et enveloppant le bébé endormi dans ses couvertures, je gagnai la porte avec mon précieux fardeau. Je descendis vivement et, traversant la rue, je le portai chez Guadacelli, le chocolatier qui était en face, faisant le coin de la rue Caumartin. Ce très aimable homme reçut mon petit dormeur et le coucha sur une chaise longue, où l’enfant continua son sommeil non interrompu.

Je laissai la gouvernante et la jeune servante près de lui et je m’en fus vivement vers la maison en feu. Les pompiers, qu’on avait fait demander, n’étaient pas encore arrivés. Je voulais à tout prix sauver ma pauvre