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ment, un professeur de la Sorbonne, c’est un manque de respect, que de tourner le dos au public ! — Mais, Monsieur, je reconduisais vers la porte du fond une dame âgée, je ne pouvais cependant pas la conduire à reculons… — Les artistes qui vous ont précédée. Mademoiselle, et qui avaient autant de talent que vous, si ce n’est plus, trouvaient le moyen de remonter la scène sans tourner le dos au public. »

Et il vira vivement sur ses talons. Je l’arrêtai : « Pardon, Monsieur… voulez-vous gagner cette porte, ainsi que vous alliez le faire, sans me tourner le dos ? » Il fit un mouvement d’essai, puis, rageur, il disparut en me tournant le dos et en faisant claquer la porte.


J’habitais depuis quelque temps, 16, rue Auber, un appartement au premier étage, assez joli et meublé de meubles anciens hollandais que m’avait envoyés ma grand-mère. Mon parrain me conseilla de me faire assurer contre l’incendie, car ces meubles, disait-il, étaient une petite fortune. Je suivis son conseil, et priai « mon petit’dame » de s’occuper de cela. Elle me prévint quelques jours après qu’on viendrait me faire signer le mercredi 12.

Il vint en effet un monsieur, le jour indiqué, vers deux heures ; mais j’étais dans un accès de nervosité extrême : « Non, qu’on me laisse tranquille aujourd’hui, je vous en prie, je ne veux voir personne. » Et je m’enfermai dans ma chambre, prise d’une effroyable tristesse.

Je reçus le soir une lettre de la Compagnie d’assurances contre l’incendie La Foncière, me demandant quel jour on pourrait se présenter pour me faire signer mon contrat. Je fis répondre : samedi.