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servir des biscuits et du vin d’Espagne, et de nous faire visiter le palais, si tel était notre désir.

Moi, je n’y tenais guère, mais « mon petit’dame » et Agar semblaient si ravies de cette offre, que je me prêtai à leur fantaisie. Et je l’ai toujours regretté, car rien n’était plus laid que les appartements particuliers, sauf le cabinet de travail de l’empereur et les escaliers. Je m’ennuyai terriblement pendant cette visite. Quelques tableaux vraiment beaux me consolèrent un peu. Et je restai quelque temps en contemplation devant le portrait de Winterhalter représentant l’impératrice Eugénie.

Elle était bien ainsi. Et ce portrait, qui — grâce à Dieu — ne parlait pas, expliquait et justifiait la fortune inespérée de la souveraine.


La répétition eut lieu sans incidents. Le jeune prince s’ingénia à nous prouver sa joie reconnaissante, car nous nous étions mises en costumes — pour lui, puisqu’il ne devait pas assister à la soirée. Il dessina mon costume, et se promit de le faire copier pour un bal déguisé qui devait être donné pour l’enfant impérial.

La représentation eut lieu en l’honneur de la reine de Hollande, accompagnée du prince d’Orange qu’on appelait ordinairement à Paris « le prince Citron ».

Ce soir-là, il y eut un petit incident tout à fait amusant. L’impératrice avait les pieds étonnamment petits et, les voulant encore plus petits, les emprisonnait dans des souliers trop étroits.

Elle était merveilleusement belle, ce soir-là, l’impératrice Eugénie ! Ses épaules émergeaient fines et tombantes d’une robe de satin bleu pâle brodée d’argent.