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vivement : derrière moi, l’empereur, tapant doucement dans ses mains, riait discrètement, mais riait bien tout de même.

J’étais rouge, confuse... Depuis quand était-il là ?... J’avais plongé je ne sais combien de fois, rectifiant mon salut, disant : « Ça... c’est trop bas tout de même ; ça... c’est bien... n’est-ce pas, Guérard ? «Mon Dieu ! mon Dieu ! Avait-il entendu tout cela ? Et comme malgré mon émoi j’esquissais ma révérence : « Inutile, me dit l’empereur en souriant, cela ne sera jamais plus joli que tout à l’heure. Réservez-les pour l’impératrice, qui vous attend. »

Ah ! ce « tout à l’heure ». Je me demandais quand c’était... « tout à l’heure». Je ne pouvais interroger Guérard qui marchait loin derrière avec M. de Laferrière.

L’empereur marchait près de moi, me parlant de mille choses auxquelles je ne répondais que distraite, à cause du... « tout à l’heure ».

Il me plaisait bien plus ainsi, de près, que sur ses portraits. Il avait de si jolis yeux mi-clos qui regardaient au travers de très longs cils. Son sourire était triste et un peu narquois. Son visage était pâle ; et sa voix éteinte et prenante.

Nous arrivâmes chez l’impératrice. Elle était assise dans un grand fauteuil. Une robe grise emprisonnait son corps qui semblait être moulé dans l’étoffe. Je la trouvai très jolie, plus jolie aussi que sur ses portraits.

Je fis mes trois saluts sous l’œil rieur de l’empereur. L’impératrice parla. Le charme s’évanouit. Cette voix rauque et dure, sortant de cette blondeur, me fit l’effet d’un choc reçu. A partir de ce moment, je me