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J’avais déjà pensé à cela. Je lui offris de le reconduire chez sa femme et, chemin faisant, je lui développai mon plan. Le décor serait celui de Jeanne de Ligneris, une pièce qui venait d’être jouée, et tuée sous les quolibets du public. Un superbe parc italien avec statues, fleurs, et même l’escalier. Quant aux costumes, si on parlait de cela à Chilly, quelque bon marché qu’ils fussent, il pousserait les cris de Rodin ! Agar et moi, nous fournirions nos costumes. »

Nous étions arrivés chez Duquesnel. « Tiens, monte dire bonjour à ma femme ; et en même temps parle-lui des costumes. »

Je montai donc ; et, après avoir embrassé la plus jolie figure qu’on puisse rêver, je fis part, à la douce propriétaire de ce joli visage, de tout notre complot. Elle approuva tout et me promit de se mettre de suite en quête de jolis dessins pour nos costumes.

Pendant qu’elle parlait, je la comparais à Agar : Oh ! combien j’aimais mieux cette ravissante tête blonde avec ses yeux immenses, limpides, et ses deux petites fossettes carminées ; et ses cheveux légers qui auréolaient son front ; et les attaches si fines de ses poignets au bout desquels étaient les deux plus jolies mains qu’il soit possible de voir. Du reste, ces mains-là sont restées célèbres.

Je quittai ce couple ami, et me rendis chez Agar pour lui raconter tout ce qui s’était passé. La pauvre m’embrassa cent fois.

Il y avait là un prêtre qui était son cousin, et qui parut être très content de tout mon récit : sûrement, il était au fait de tout.

Un coup de sonnette timide, et on annonça François Coppée. « Je me sauve, lui dis-je sur le pas de la porte en lui serrant la main, Agar vous racontera tout. »