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XII


Cet acte, si violemment décisif, bouleversa ma vie de famille. Je me sentis moins heureuse parmi les miens. On me faisait de continuels reproches sur ma violence. Des sous-entendus irritants partaient de ma tante, de ma jeune sœur. Mon parrain, que j’avais carrément envoyé promener, n’osait plus m’attaquer ouvertement, mais il montait la tête à maman.

Je n’étais tranquille que chez Mme Guérard. Aussi je montais sans cesse chez elle. Je m’amusais à l’aider dans les soins de son ménage. Elle m’apprit à faire des œufs brouillés, des galettes et du chocolat. Cela changeait mes idées, et ma gaieté revint vite.

Un matin, je trouvai maman l’air mystérieux. Elle regardait la pendule et s’inquiétait de ce que mon parrain, qui déjeunait et dînait toujours à la maison, n’était pas encore venu. « C’est drôle, disait maman, hier, après le whist, il m’a dit : « Je serai là demain, avant « déjeuner ». C’est drôle… » Elle, si calme, allait, venait, répondait à Marguerite qui passait la tête pour savoir s’il fallait servir : « Attendez encore. »

Enfin le drelin drelin de la sonnette fît bondir ma