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et femmes en costumes différents, mais tous revêtus du fameux manteau de Docteur.

L’avertisseur vint prévenir que la cérémonie allait commencer ; et tout le monde se pressa dans le couloir des bustes.

Je tenais ma petite sœur par la main. Devant nous, marchait la très grosse, très solennelle Mine Nathalie, sociétaire de la Comédie, vieille, méchante, hargneuse. Régina, voulant éviter la queue du manteau de Marie Royer, monta sur la traîne de Nathalie ; celle-ci se retourna et, brusquement, poussa l’enfant avec tant de violence, qu’elle alla s’écraser contre une colonne supportant un buste.

Régina poussa un cri et revint vers moi, son joli visage ensanglanté. « Méchante bête ! » m’écriai-je, en me jetant sur la grosse dame… et, au moment où elle allait répliquer, je lui collai une paire de gifles.

Évanouissement de la vieille sociétaire, tumulte, brouhaha, indignation, approbation, rires étouffés, vengeances satisfaites, attendrissements des artistes mères pour la pauvre petite, etc., etc.

Deux groupes s’étaient formés : l’un autour de la méchante Nathalie toujours en pâmoison, l’autre autour de la petite Régina. Et c’était assez étrange, la composition et l’aspect différent de ces deux groupes Autour de Nathalie, des femmes et des hommes, solennels, froids, debout, éventaient, qui avec des mouchoirs qui avec des éventails, le gros tas affalé. Une sociétaire jeune mais sévère, lui jetait quelques gouttes d’eau. Mais Nathalie, à ce contact, se réveilla soudain et portant les mains à son visage : « C’est stupide ! murmura-t-elle d’une voix encore lointaine, vous allez me démaquiller ! »